• Retour d'expérience de Suède.

     

    Je ne vais pas revenir sur les atermoiements des organisateurs. Avec les dépenses engagées (et non remboursables), notre groupe de 4 (mes deux fistons, mon frangin et moi) n'était pas très confiant jusqu'à la conférence de presse de lundi...

     

    Arrivés mercredi en fin de journée à notre location à Hagfors et n'ayant pas de shakedown pour nous divertir le jeudi matin, nous décidons d'aller nous poster dans Rammen à l'heure des reconnaissances (de 10h30 à 14h). Il n'y a pas un chat, nous nous postons à un T droit dans un décor lugubre. Le sol est gelé sur moins de 3 mm, il n'y a pas la trace de l'ombre de la présence de neige, on se dit qu'une annulation est encore possible.

     

    Les concurrents arrivent peu après 10h30, ils nous font tous un petit signe de la main, ils doivent se dire qu'il y aura au moins 4 spectateurs pendant le rallye. Tous ? Non ! Pas Meeke. Sa Lancer Evo arrive très vite, il enfile le T droit en légère dérive, on comprend tout de suite que Kris n'est pas venu pour acheter de la bière suédoise. Dans l'heure qui suit, les Golf des VW boys, les Béhèmes des Hyundai boys, les Volvos et les Lancers se suivent à un rythme soutenu (au moins 2 passages pour chacun). La matinée est vite passée, nous avons reconnu un accès possible de Rammen, nous avons vu les boys, nous aurons déjà ça dans les souvenirs. 

     

    Vers midi, nous passons par Hagfors et nous décidons d'aller manger un bout dans notre cantine préférée. C'est sympa, pas cher, et il y a du Wifi. Une bande de jeune est un peu bruyante à la table à côté, qui discute et rigole, et sort avant nous. Mince alors, le petit gars qui tenait le crachoir monte dans une Lancer qui porte le numéro distinctif des reconnaissances (des chiffres oranges en haut à droite du pare-brise) : c'était Ole Christian Veiby, qui nous régalera plusieurs fois pendant le rallye avec sa Fabia R5.

     

    Nous partons ensuite pour Karlstad, en passant d'abord par le service park où il ne se passe pas grand-chose, sinon la pose de rampes de phares pour la procession dans l'hippodrome. Et nous arrivons un peu à l'avance pour l'habituelle séance de signature d'autographes par les 14 pilotes sélectionnés par l'organisateur. Comme nous venons chaque année, nous connaissons la musique par coeur, nous sommes parmi les premiers à entrer, et comme chaque année, nous avons l'occasion de prendre des photos, d'encourager l'un ou l'autre, de parler même avec certains.

     

    Au début de la file, les pilotes Abu Dhabi Total Citroën sont un peu gênés ! Ce sont les seuls qui n'ont pas apporté de "supports" pour offrir des autographes au public. Meeke regarde alternativement le sol et le plafond, les bras croisés. Personne n'a pensé à faire un peu de relations publiques ?

     

    Neuville nous avoue que ce sera difficile de faire aussi bien que l'année dernière. Henning Solberg et Ilka Minor nous font leur meilleur sourire.

     

    Nous rencontrons un Ola Floene hilare. Apparemment, son transfert l'a rendu heureux.

     

    Nous surprenons une conversation entre Mikkelsen et Latvala. Ils devisent d'un passage dans une courbe rapide et de la manière dont ils vont l'aborder : Mikkelsen privilégie la corde, et Latvala une plus grande dérive qui lui permettra d'enfiler la courbe suivante plus vite. Voilà des vrais professionnels (tout en signant des autographes et en souriant pour les photos). 

     

    Mon frangin engage la conversation avec Ogier. Contrairement à l'année dernière, mon frère lui dit qu'il ne doit pas laisser gagner Neuville. Grand sourire du champion du monde. Petite parenthèse : j'ai toujours du mal à imaginer que le mec qui blague et sourit devant nous soit aussi souvent blâmé pour sa grosse tête, sa prétention, sa vanité, son arrogance... Je trouve que pour un pilote de haut niveau, il reste très très très accessible.

     

    Au bout de la file, les organisateurs ont casé quelques pilotes et co-pilotes suédois, dont Fredrik Ahlin, qui dédicace des grattoirs de pare-brise à son effigie !

     

    Le vendredi matin, là où nous logeons juste à côté d'Hagfors, rien n'a changé. Il a à peine gelé pendant la nuit, il n'y a toujours pas de neige. Nous partons pour Torsby, et nous allons nous poster dans un double droit rapide du côté de l'aérodrome. Il n'y a pas de neige non plus à Torsby, et on voit bien la trace de l'arrosage de la veille sur la route. C'est gelé en surface, mais la mince couche de glace partira vite sous les clous des premiers sur la route. Les WRC passent comme des fusées, en légère dérive, avec une mention spéciale pour Sordo qui passe comme une fusée turbo ! Tanak montre que les DMACK tiennent bien la glace. Al-Qassimi, Camilli et Breen sont les seuls à sous-virer ??? Evans nous régale et les Fabia sont efficaces.

     

    De Torsby, nous partons pour Svullrya. Heureusement, comme nous l'avions vu en passant la veille, il y a de la neige en Norvège. Nous entrons dans la spéciale par l'arrivée, et nous remontons jusqu'au dernier gauche rapide. Encore une fois, les WRC passent comme des avions (pour changer !). Sauf Al Qassimi qui loupe son point de freinage, s'emmêle les pinceaux et passe carrément dans la corde où il n'y a heureusement que 30 cm de neige. Il n'y a qu'un spectateur qui ne rigole pas, celui dont la GoPro est restée longtemps en l'air avant de retomber. 

     

    Nous avons été prévoyants, et en attendant le deuxième passage dans la même ES Svullrya (c'est la suivante), nous allumons un grill et nous cuisons quelques saucisses. Comme ça se refroidit, nous décidons de retourner nous réchauffer dans la voiture. Mais nous croisons Colin Clark (le mec un peu fou de la radio WRC) au point Stop de la spéciale, et nous décidons de rester à l'arrivée pour le voir à l'oeuvre. Là nous avons un autre spectacle sous les yeux. Non seulement les mimiques de Colin Clark qui est très expressif, mais aussi l'état des voitures qui s'arrêtent devant nous.

     

    On ne sait pas si ça a eu lieu lors du premier ou du deuxième passage, mais la Polo d'Ogier n'a plus d'aile à l'avant gauche.

     

    Et la Polo de Mikkelsen n'est pas en reste, il manque la carrosserie à l'avant gauche aussi !

     

    Nous rentrons en Suède et nous terminons la journée par le deuxième passage dans Torsby. A notre grand étonnement, il a neigé pendant que nous étions en Norvège, Nous décidons de retourner au même endroit que le matin, pour apprécier l'éventuelle différence de passage dans le double droit. Les WRC sont un peu plus lentes (à l'oeil), et les dérives un peu plus larges. Nous rentrons contents de notre journée : nous pouvons enfin envoyer quelques photos à nos proches (ceux qui nous chambraient pour nos photos de Suède sans neige).

     

    Je terminais mon message précédent par le deuxième passage dans Torsby le vendredi après-midi. Je voudrais juste poser une question : qui a pondu le règlement débile actuel du WRC, surtout le chapitre des journées sans assistance (autre que les pneus) ?

     

    Dans cette dernière spéciale de la journée, nous avons été témoins de deux faits navrants !

     

    Premièrement,  nous avons vu Neuville à la peine, en survirage suite à la casse de son différentiel arrière (et juste avant que le cardan avant droit ne casse en fin de spéciale, ce que Gilsoul nous a confirmé à l’aéroport). Neuville a ramé toute la journée, et a perdu l’espoir de ramener des points.

     

    Et aussi, l’abandon de Latvala devant nous, arrivé lui en sous-virage (par la portière, suite à la casse de son différentiel avant, plus tôt dans la journée). Parti en presque tête à queue, Latvala a finalement cassé sa suspension dans le fossé et c’était terminé.

     

    Nous voilà arrivés au samedi. Vu le peu de spéciales à disputer et craignant que ce soit blindé de monde, nous faisons l’impasse sur Fredriksberg pour aller nous installer dans Vargasen 1. Nous optons pour une belle enfilade rapide repérée sur les vidéos «onboard» de WRC+. Malheureusement, c’est devenu un problème en Suède, vu la distance à parcourir sur le chemin d’accès et le nombre important de voitures qui s’y rendent, nous nous retrouvons bloqués à 6 km de la spéciale. Au bout de 25 minutes à l’arrêt, j’arrive à faire demi-tour au prix de 15 manœuvres. Il est trop tard pour aller ailleurs, nous finissons par nous rendre à l’arrivée de la spéciale où nous nous joignons à des familles suédoises dont les gosses font des signes aux pilotes. J’ai un scoop pour vous : les WRC ont un klaxon !

     

    Pour éviter une deuxième déconvenue, nous nous rendons sur un spot de Vargasen 2 plus facile d’accès (grand parking à proximité). Dans une longue courbe à droite en montée, nous essayons de comparer les trajectoires. Les voitures évitent la corde, qui doit cacher un piège. C’est ainsi que ceux qui se sont installés plus bas dans la courbe dégustent de la neige sale.

     

    Il y a du monde sur la colline, on reconnaît le rallye de Suède des années précédentes.

     

    La journée est déjà terminée, nous faisons l’impasse sur la super spéciale de Karlstad : c’est loin (85 km) pour voir des WRC dans des duels de 1.900 mètres…

     

    Pour le dimanche, il n’y a guère de choix, il n’y a qu’une spéciale, la power stage de Varmullsasen. Connaissant le saut de l’arrivée pour l’avoir fait ces 4 dernières années, nous choisissons un endroit qui n’était pas très fréquenté l’année dernière (quand il y avait 2 boucles). Bon choix, nous arrivons à 100 mètres de la spéciale après un parcours de 8 km dans les bois sans rencontrer âme qui vive. C’est une longue courbe à droite, avec un T droit ouvert à droite. Latvala et Meeke arrivent super vite, donnent un petit coup de frein et balancent littéralement leur WRC dans le T, à la corde, en accélérant à fond. On se dit qu’on tient là deux mecs sur le podium. Al Qassimi passe en troisième position, mais vous savez tous qu’il ne prend pas de risques dans les power stages. Neuville déboule à fond, il ne freine pas et sa i20 se met en travers avant le T, qu’il enfile tout en dérive (et toute la courbe à droite qui suit dans la foulée). C’est hyper-spectaculaire, mais on se dit que ça doit lui coûter au final. Nicolas Gilsoul nous avouera lundi qu’ils ont tout donné dans la power stage, en utilisant au maximum toute la largeur de la route. Ceux qui suivront donneront tous un petit coup de frein, et utiliseront de plus en plus la corde (l’intérêt des traces de ceux qui partent devant). La suite, on la connaît.

     

    Neuville dans la power stage (avant le T).

     

    C’était un peu court dimanche, mais le passage des « fous furieux » nous a régalé. Et les WRC2 n’étaient pas en reste. Les Fabia sont même passées avec la roue avant droite dans le vide (fossé à la corde). Et c’est là qu’on doit tirer un coup de chapeau à ces virtuoses. Il n’y a pas de mauvais pilotes dans le top 30. Pour ceux qui sont plus loin, on parlera d’objectifs différents.

     

    Nous sommes partis dimanche vers 16h à Gardermoen, où nous avons dormi parce que nous devions être à l’aéroport à 4h30 du mat.

     

    Petites anecdotes sur les rencontres fortuites qu’on peut encore espérer en WRC. Je vous ai déjà raconté que nous étions derrière Ilka Minor dans la file d’enregistrement (qui nous a remercié pour les compliments sur le spectacle offert par Henning). Et à notre grande surprise, Neuville et Gilsoul était à côté de nous pour monter dans l’avion, Gilsoul a été sympa de nous raconter plein de trucs, il nous a même conseillé d’aller un jour voir le rallye de Pologne, parce que c’est un pays abordable et que le parcours se fait dans une campagne ouverte où on voit loin et longtemps. Il nous a dit que c’était plus rapide qu’en Finlande. Vraiment un chouette gars, très accessible !

     

    Fin de l’aventure…


    votre commentaire
  • Mon rallye de Finlande 2012, du 2 au 4 août

    Données brutes du 62ème Neste Oil Rally Finlande

    17 WRC
    Citroën : Loeb, Hirvonen, Neuville, Atkinson
    Ford : Latvala, Solberg, Ostberg, Tänak, Novikov, Ketomaa, Rantanen, Prokop, Block, Lindholm
    Mini : Tahko, Araujo, Nobre

    S-2000
    Skoda : Ogier, Mikkelsen, Paddon
    Ford : Breen, Lappi
    Proton : P-G Andersson, Salo

    81 engagés
    --------------------------------------------

    Préambule

    Avec ma moitié, nous nous y sommes rendus en 2010, et nous en avons gardé un très bon souvenir. C’est pour ça que je pense y retourner en 2012 et que j’envisage de nouveau un voyage en avion et la location d’une voiture sur place. Mais avant que j’effectue les réservations, un bon pote américain (qui m’avait invité et reçu chez lui quelques années auparavant) m’annonce qu’il vient au Danemark pour une conférence et qu’il aimerait me revoir. Cruel dilemme, les dates sont proches, je sens que ça va être chaud. Comment être le samedi 28 juillet au Danemark et le mercredi 1er août en Finlande ? Surtout que côté billets d’avion, avec en plus la location d’une bagnole au Danemark et une autre en Finlande, mon budget est déjà dans le rouge.

     Que faire ? Bin, pardi, il me suffit d’y aller avec ma propre bagnole (une Freemont toute neuve) ! Je concocte immédiatement un itinéraire, calcule les durées de trajet, combine le tout pour passer voir notre ami au Danemark, visiter Copenhague, passer en Suède et visiter Stockholm en coup de vent, passer en ferry jusque Turku (11 heures de navigation, mais prix dérisoire), et ensuite aller du côté de Jyvaskyla pour la durée du rallye. Impeccable, sur papier, ça fonctionne.

     Je vous épargne les détails du voyage aller, et nous passons directement au mercredi 1er août. C’est le premier jour du rallye de Finlande 2012, qui a un découpage assez inhabituel : un shakedown et une spéciale de qualification le mercredi soir, suivis par 3 jours de course du jeudi au samedi.

    Mercredi 1er août, shakedown et spéciale de qualification (Ruuhimaki)

    Ce mercredi matin, donc, nous partons de Turku, où nous sommes arrivés la veille au soir, pour rejoindre notre hôtel à Orivesi (à 200 km). Contrairement à notre précédent rallye de Finlande où nous logions à quelques centaines de mètres du service park, nous avons été forcés de choisir cet endroit situé plus au sud de Jyvaskyla à cause des 3 spéciales du jeudi qui se dérouleront du côté de Lahti (170 km au sud de Jyvaskyla). Nous serons loin du shakedown (130 bornes), mais nous serons proches (30 km) de la power stage du samedi.

    Ainsi, nous imaginons avoir tout le temps d’aller déposer nos bagages à l’hôtel, puis d'aller nous poster dans le shakedown (de 16 à 18h) qui servira de spéciale de qualification plus tard (19h30)

    Première erreur. Vu les distances à parcourir (330 kms), les limitations de vitesse, une grosse déviation pour cause de travaux, nous sommes finalement à la bourre. Le shakedown commence à 16 heures, nous arrivons pile à 16 heures, mais il faut se garer. Je vois des mecs qui se garent au bord de la route, je me gare derrière eux et nous préparons notre sac à dos un peu précipitamment pour ne rien rater, puisqu'il faut parcourir 300 mètres et trouver un emplacement pour assister aux premiers passages.

    On entend les premiers coups d'accélérateur au loin (les connaisseurs me comprendront, ça, ça rend fou). Je me suis à peine éloigné de 10 mètres de la voiture qu'un finlandais arrive en courant et m'engueule : il y a un parking payant à 200 mètres sur le côté. Je remonte dans la bagnole, je file payer et me garer au bon endroit, je retrouve ma moitié et nous courrons. Ouf, nous n'avons raté qu'une seule voiture. Nous nous trouvons dans la dernière épingle du shakedown. Ils passent tous comme des fous sauf les Minis.

    Et c'est à ce moment-là que survient un orage démentiel : d’abord des trombes d'eau, puis la foudre tombe sur un arbre de l’autre côté de la route, et ensuite nous prenons des seaux de grêlons. C’est là qu’on prend conscience de l’expression : « de l’électricité dans l’air ». Des spectatrices ont quelques cheveux longs à l’horizontale, il y a une odeur de bois brûlé, plus personne ne parle.

    Comme nous sommes partis en courant, nous n'avons pas pris les vêtements de pluie ni le parapluie, ma douce a juste un imper très perméable. Je suis trempé. C’est notre deuxième erreur. Je retourne à la voiture au galop en protégeant mon appareil photo comme je peux. Je me change, j'enfile mon imperméable, je sèche mon matos, je cache mon portefeuille qui est trempé, je trouve le parapluie et je file retrouver ma petite qui n’en mène pas large. Nous regardons passer les dernières voitures, c'est déjà la fin du shakedown. Il est 18h, le passage chronométré est prévu pour 19h30, mais nous décidons de plutôt aller voir au parc d'assistance à Jyvaskyla. Et ça nous rapprochera de notre hôtel.

    Nous arrivons à Jyvaskyla et c'est comme si nous y avions habité longtemps... On reconnaît les avenues, on se gare où on se garait il y a 2 ans, tout près de l'appartement que nous avions loué et habité 5 jours. Nous comprenons que c'était la bonne solution, il n'y a presque personne dans le parc d'assistance. Les voitures sont évidemment déjà revenues, les pilotes sont disponibles, c'est facile pour les photos. Nous passons tous les teams d’usine en revue (les 17 WRC, plus les 2 Skodas d'usine), Hirvonen me signe mon programme, je me fais prendre en photo avec Ken Block, on voit toutes les voitures repartir sagement pour la spéciale de qualification. C'était le bon moment pour venir, demain, ce sera noir de monde.

    pbl2.jpg.56e5c20a62799f7e2c4375dc79f0ffd8.jpg
    Petite mention spéciale, nous avons un petit faible pour Mads Ostberg depuis que nous l'avons suivi, filmé et dépassé sur le routier en Alsace en 2011. Je lui ai raconté en février au rallye de Suède que j’avais été plus rapide que lui en France, et ça l'a fait sourire. C’est aussi le seul que mon épouse reconnaît (il est mignon, me dit-elle).

    Ostberg2012.jpg
    Sur un grand panneau d’affichage, nous voyons que Sébastien Loeb a réalisé le meilleur temps de la qualification, il choisira donc sa place de départ pour demain (10ème sur la route apprendrons-nous plus tard).

    Paviljonki2012.jpg

    Jeudi 2 août, ES 1 (Koukunmaa) du côté de Lahti

    Aujourd'hui, nous sommes prudents. Première action de la journée, nous rendre au supermarché pour acheter de quoi survivre pendant 2 ou 3 jours en campagne. La première spéciale chronométrée débute à 17h23, et elle se trouve à 120 km de notre hôtel. Nous partons tôt et nous sommes sur place à 13h30. Nous nous garons à moins de 500 mètres de l'endroit que nous avons sélectionné, il y a déjà du monde ! Mais le jeu en vaut la chandelle, c'est un des rares endroits de la spéciale où on voit les voitures longtemps.

    Quand nous arrivons (4 heures avant le passage des voitures), il n'y a pas un chat, mais au passage des voitures, la colline est grouillante de monde. Neuville nous gratifie du plus beau passage, et nous comprenons tout de suite pourquoi avec son troisième temps, derrière Loeb et Solberg. Avec ma tablette et un bon 3G, je deviens la coqueluche de nos voisins estoniens qui comme moi ne comprennent rien aux commentaires imbitables de la radio finlandaise qui sont retransmis par haut-parleurs. Bientôt, une demi-douzaine de têtes blondes lisent les temps par-dessus mon épaule, on m’offre même des bières en guise de remerciement.

    Neuville2012.jpg
    Thierry Neuville, débutant en WRC en 2012, montre déjà qu'il a l'étoffe des meilleurs !

     

    Vendredi 3 Août, ES 7 et 10 (Palsankyla) au nord-ouest de Jyvaskyla

    Nous jouons la sécurité et nous arrivons un peu plus de deux heures avant le passage de la première voiture à 12h14. Nous avons choisi un « big jump » : d'après un commissaire que j’interroge, même les plus lents arrivent à décoller des 4 roues. Il y a déjà une haie de spectateurs des deux côtés de la route. Tant pis, nous nous installons derrière une bande de finlandais plutôt calmes et tous assis. Avec un peu de chance, j'arriverai à filmer quelques sauts. Et comme nous resterons sur place en attendant le second passage (à 16h54), peut-être pourrons-nous nous rapprocher de la rubalise.

    La description du guide du spectateur et les indications du commissaire se sont révélées exactes, ce spot vaut la peine. Le tout est de s'y faire une "niche". Les premières voitures ne sautent pas très haut, mais après le passage de Sébastien Loeb (10ème sur la route aujourd'hui), ça va crescendo. La palme revenant à Mikkelsen (Skoda) qui laisse le pare-choc avant de sa Skoda sur place après un saut incroyable, mais un atterrissage sur la calandre qui nous fait croire un instant qu’il va faire un tonneau par l’avant. Malheureusement, je rate la photo du jour, parce qu’un finlandais bourré a trébuché derrière moi au moment fatidique, a poussé violemment mon bras, ce qui m’a fait filmer la cime des arbres…

    Solberg2012.jpg.cf62cdb61dac2e6ee6d76cb644a3c94f.jpgPetter Solberg décolle !

    Classement de la spéciale 7 : Loeb devant Latvala et Solberg.

    Nous attendons sagement le deuxième passage. Comme quelques places devant nous se sont libérées, ma moitié en profite pour passer du second au premier rang. Figurez-vous qu’entre le premier passage (ES 7) et le second (ES 10), une équipe de l’organisation débarque de nulle part et plante en vitesse des panneaux publicitaires. Bien vu, il y a de nombreux photographes, la pub sera sur tous les clichés.

    Au deuxième passage, les WRC passent évidemment plus vite, et donc plus haut, et Neuville gagne ses galons de pilote qui en a. Il est, avec Loeb, un des non-finlandais à avoir déclenché une salve d'applaudissements spontanés. 

     

    loeb2012-1.jpg.7730349cbaec8ad2bf1577a235249e51.jpgSébastien Loeb, au rupteur

    Classement de la spéciale 10 : Loeb devant Hirvonen et Latvala.

    Samedi 4 Août, ES 17 et 18 (Ouninpohja)

    Nous restons de nouveau prudent en allant nous installer dans la spéciale située à 30 km de notre hôtel et qui sera parcourue deux fois. En arrivant plus de 4 heures avant le passage des voitures, nous avons la possibilité de traverser la spéciale, et de nous garer dans une prairie à 20 mètres de la route. En face, nous avons un vue imprenable sur 200 mètres de la spéciale. Quand nous nous sommes installés contre la clôture, il y avait 12 personnes, 1h30 plus tard, ils sont des centaines. Il tombait quelques gouttes à notre arrivée, il ne pleut plus. Nous sommes impatients de les voir passer.

    C’est la plus longue spéciale du rallye, 33km, qui sera parcourue une première fois à 15h37 et ensuite en tant que power stage à 18h. Avantage de notre parking : il est au bord de la spéciale. Désavantage : nous sommes bloqués jusqu'au passage du dernier concurrent, vers 19h45. Heureusement, notre hôtel est situé à 30 minutes de route.

    Imaginez notre étonnement quand nous avons vu passer cette limousine sur la spéciale. Sans doute le traitement réservé à quelques VIP.

    Limousine2012.jpg.9171587ce4b7c413e28465066a03448d.jpg

    Voilà, les premières voitures passent, mais en générant un énorme nuages de poussière, que le vent rabat de notre côté. Ah ça, on va en déguster, de la poussière. La pluie prévue par la météo n'arrivera jamais. Les vitesses sont énormes, les dérives bien contrôlées, je dois sans cesse souffler la poussière déposée sur l’objectif. Heureusement, le vent change de direction, la poussière profite maintenant à ceux « d’en face », et nous assistons au passage des petites voitures.

    Classement de la spéciale 17 : Hirvonen devant Loeb et Latvala.

    Pour le deuxième passage, les conditions n’ont pas changé, sinon l’état de la route, qui était plate et lisse avant le premier passage, et qui se retrouve maintenant complètement défoncée et laisse apparaître de nombreuses pierres. Il faudra de méfier des projections. Et contrairement à ce que j’imaginais, la meilleure WRC (celle d’Hirvonen les deux fois) va améliorer de 9.6s malgré les ornières. L’octroi de points supplémentaires dans les power stage donne des ailes ?

    Hirvonen2012.jpg.d80201d89c3742a6a4a34c3484d4c2ae.jpgMikko Hirvonen dans ses oeuvres...

    Alors que la tension est un peu retombée et que passent les sans-grades, un ivrogne se présente à l’endroit où est installée une traversée tenue par deux commissaires. Les passages toutes les minutes sont assez soutenus, le gars à la démarche hésitante se fait rembarrer par le commissaire. Et l’inconcevable se produit : l’ivrogne profite d’un moment d’inattention du commissaire pour traverser nonchalamment alors qu’une voiture apparaît dans la grande courbe. Toute la rangée de spectateur retient son souffle, on s’attend au pire ! Le pilote a dû le voir, il va ralentir… mais non, la Mitsubishi arrive dans un grand travers, alors que le poivrot regarde dans la direction opposée. Fort heureusement, au dernier moment, le soûlard s’aperçoit de quelque chose et s’arrête net. La voiture le frôle et disparaît dans un nuage de poussière.

    Aussitôt, le commissaire défaillant et quelques spectateurs se jettent sur l’éponge et l’embarquent manu militari. Nous venons d’échapper à une catastrophe, nous n’avons même pas eu le temps d’imaginer les suites d’un impact à cette vitesse.

    adkw.jpg.52210d88177ecb9bbac7e057d791ee13.jpg

    Classement de la spéciale 18 (power stage) : Hirvonen (3 points) devant Solberg (2 points) et Loeb (1 point).

    Sorti le premier du parking de ce dernier chrono, un commissaire m'a proposé d'emprunter la spéciale plutôt que l'accès qui était complètement embouteillé. J'ai fait la moitié d'Ouninpohja avec ma voiture quelques minutes après le dernier concurrent (on a peut-être pensé que j'étais le dernier concurrent), avec plein de spectateurs qui m'encourageaient à rouler plus vite, sur une route défoncée par les deux passages. C'est là qu'on prend conscience de ce tourniquet géant : ça monte, descend et tourne sans arrêt. J'en ris encore en y repensant.

    Résultat final de ce rallye de Finlande : Sébastien Loeb s’impose avec une avance finale de 6.1s sur son coéquipier Mikko Hirvonen. Jari-Matti Latvala complète le podium à 35.0s du vainqueur. Petter Solberg termine à la quatrième position à 56.1s. Mads Ostberg s'est assuré la cinquième place devant Ott Tänak.

    Le rallye est fini, nous avons vu de beaux passages, nous avons bien ri (sauf avec quelques alcooliques moins marrants), nous avons sympathisé avec des vrais amateurs de rallye, j’ai envie de dire : what else ?

    Nous referons le même trajet au retour, et nous rentrerons en Belgique heureux mais fourbus par les 6.500 km parcourus en 15 jours. Cependant,  nous aurons à peine le temps de nous reposer parce que l’envie soudaine d’aller assister à l’ADAC nous prendra et que nous nous retrouverons à Trêves à peine 15 jours après être repartis de Jyvaskyla. Mais ça, c’est une autre histoire !


    votre commentaire
  • PREAMBULE

    Retour en Belgique le lundi matin (très tôt). Le délicat fumet de trappeur qui s’exhalait de ma veste a inévitablement interpellé ma voisine dans l’avion. 

    Elle ne connaissait évidemment pas ce sport national suédois qui consiste à traîner des tas de bûches jusqu’au plus profond de la forêt, y foutre le feu et enfumer avec délectation les malheureux spectateurs réduits à regarder les passages des WRC la moitié du temps en apnée ou avec la larme à l’oeil (je sais, la phrase est longue, vous avez repris votre souffle ?).

    Moi, cette fumée ne me dérange qu’à moitié parce que j’ai fumé une partie de ma jeunesse et que j’aime le whisky tourbé, mais mes jeunes coéquipiers dont c’était le baptême du feu (waf) ont moins apprécié. Sans parler des chasubles bleues qui pensent toujours avoir trouvé le spot de leur vie et qui se lamentent quand ils voient le piqué de leurs clichés.

    Forcément, on ne juge pas la qualité d’un rallye que sur son empreinte carbone. Je dois vous avouer que personnellement, j’aimerais plutôt voir ajouter une note artistique au résultat sec du chrono.

    Voilà, je ne vais donc pas vous relater les faits de course que vous avez déjà pu lire en détails ici ou là, je vais vous décrire quelques moments délicieux qui font qu’un rallye du championnat du monde est une fête permanente qui réserve toujours des bonnes surprises.

    Arrivés le mardi à Torsby par la grâce d’une grève nationale, nous étions sur pied de guerre dès le mercredi matin, ce qui ne nous était plus arrivé depuis longtemps.

    C’est ainsi que nous avons pu aller nous poster à l’arrivée de la spéciale d’Hagfors le mercredi matin, à l’heure des dernières reconnaissances. Il y avait un contrôle de passage sur le (futur) parking des spectateurs, mais nous sommes montés jusqu’au point stop de la spéciale où nous avions remarqué une demi-douzaine d’aficionados et une mini-équipe de reportage de la télévision suédoise. Il faisait +6 degrés.

    Mode REPORTAGE

    La montée jusqu’au point stop est périlleuse, la route est verglacée, il nous faut marcher dans l’accotement où il y a une bonne couche de neige.

    Bientôt, une voiture descend la spéciale, c’est Henning Solberg, qui s’arrête un instant, et qui signe quelques autographes tout en répondant au téléphone.

    d6pk.jpg

    Chris Meeke le suit de près, il s’arrête également, il signe des autographe, il sourit. Cette fois, nous avons le temps de l’encourager, il nous remercie. Cependant, je modère aussitôt ma team (des novices, comme vous savez), en leur rappelant que souhaiter bonne chance porte malheur, selon une tradition populaire. attachée au monde de l’art et étant entendu que le rallye en est un, d’art.

    Une autre voiture arrive, c’est une superbe Focus RS. Il s’agit de Pontus Tidemand. L’équipe de TV se positionne et l’interviewe longuement, ce qui provoque une petite file. En effet, à partir de ce moment-là, les voitures de reconnaissance se suivent : Mikkelsen, Katsuta, Ostberg, Neuville, Lappi, Ogier, Loeb (dans une superbe BMW blanche), Tanak, Latvala, Lindholm,…

    em92.jpg

    Je demande à Thierry Neuville ce qu’il pense de la spéciale, il me répond qu’il est persuadé que ça va fondre et que ça va devenir un problème.

    Quel bonheur aussi : toutes les voitures se sont arrêtées, tous les pilotes ont descendu la vitre, tous ont signé des autographes, tous ont souri et remercié.

    Parcours du SHAKEDOWN

    Le mercredi après-midi, les reconnaissances sont malheureusement déjà terminées. Comme nous logeons à une dizaine de kilomètres du shakedown, nous décidons d’aller jeter un coup d’œil sur l’état de la route, et éventuellement de repérer un spot intéressant.

    Persuadé que la route est déjà fermée à la circulation (après vérification, c’est le cas de toutes les spéciales, sauf le shakedown), j’emprunte une route d’accès du guide des spectateurs. A l’endroit de la spéciale, je suis étonné de ne trouver aucune barrière, il n’y a pas un chat, l’occasion est trop belle, je m’engage dans le sens officiel et nous parcourons le tracé.

    h1ni.jpg

    C’est grisant, j’accélère, ma Yaris hybride de location tient relativement bien la route, elle amorti les nombreuses bosses, on apprécie vraiment la sinuosité, on s’amuse comme des fous. Il y a très peu de monde, juste quelques camping-cars qui se sont planqués dans des chemins de traverse. J’arrive à une épingle, je veux faire mon « kéké » et je tire le frein à main. Erreur ! Le système antidérapage entre en scène et empêche le dérapage, j’en suis pour mes frais.

    Nous terminons le shakedown et nous décidons de rejoindre le départ pour reconnaître le morceau que nous n’avons pas encore parcouru. Il n’y a personne pour nous en empêcher, nous avons reconnu l’entièreté du tracé. Comme il n’y a pas beaucoup d’accès possibles, nous savons que nous entrerons dans le shakedown par le départ, qui est constitué d’une petite descente suivie d’une bosse en virage sur la gauche (toutes les voitures sauteront roues braquées pour tourner à la réception), avec ensuite une longue courbe à droite en légère montée. C’est là que nous irons !

    En rentrant sur Torsby, le padawan de l’équipe souhaite voir le service park, mais bizarrement, c’est fermé au public. Ce n’est pas grave, ça nous laisse le temps d’aller faire des courses et de nous préparer pour les choses sérieuses du jeudi.

    QUE LA FÊTE COMMENCE

    Comme le shakedown est proposé à une heure plus tardive qu’à l’accoutumée (9h), nous n’avons pas à nous presser, nous arrivons 30 minutes avant l’heure de départ, l’organisateur a prévu un grand parking dans un champ déneigé, c’est trop facîîîle ! Nous nous installons à l’intérieur du premier droit, avec vue sur le départ et la première bosse. La route est bien verglacée, il y a 50 à 60 cm de neige sur les côtés.

    Excellent choix, après un premier passage relativement calme (les voitures sautent à peine sur la bosse), la suite va nous régaler. Les pilotes sont chauds, on sent qu’ils sont passés à la vitesse supérieure : festival de sauts, hurlements de moteur plus prononcés, dérives beaucoup plus larges. J’arrive à me rapprocher de la route pour filmer et faire quelques photos. Quel pied !

    pz7b.jpg

    Ogier au deuxième passage (au premier, il n'a même pas dérivé)

    9f3h.jpg

    Rovanpera (lui, ça a été une suite de passages par la portière)

    Au bout d’une heure et demie, nous décidons de sortir du shakedown, avec l’espoir de voir quelques voitures de près puisque nous remontons l’accès à l’envers. 

    Chance, nous tombons sur les WRC qui vont effectuer leur troisième passage. Ogier vient de partir, Neuville se pointe suivi par Loeb. Ils s’arrêtent un peu avant la zone de contrôle des pneus. Evidemment, leurs Hyundai sont aussitôt entourées d’une nuée de spectateurs. Daniel Elena vérifie les pressions tandis que Sébastien Loeb reste au volant.

    18fs.jpg

     

    C’est ensuite un flot ininterrompu de WRC qui s’arrêtent toutes avant le contrôle. On peut à loisir se pâmer devant les WRC, plus spécialement sur les ailerons arrières qui sont de véritables œuvres d’art.

    8rzp.jpg

    o5rj.jpg

     

    Ici, Anders Jäger démonte la calandre de sa Hyundai pour enlever des caches de radiateur (les experts apprécieront).

    rmkj.jpg

     

    Là, des pilotes inspectent soigneusement l’état d’usure de leurs clous. On ne sait plus où tourner la tête, il se passe toujours quelque chose. Avec un peu d’attention, on remarque un tas de détails souvent ignorés (des néophytes) : les pilotes et co-pilotes enfilent des sur-chaussures pour sortir marcher dans la neige, chaque voiture est équipée d’un pense-bête sur la portière passager (quantité d’essence à absolument avoir à bord pour chaque tronçon), des pilotes d’une marque parlent à des pilotes d’une autre marque. Bref, encore un moment de bonheur.

     

    zytd.jpg

    Nous quittons le shakedown vers 11h30, et nous décidons de passer par le service park situé à 8 km. Il n'y a pas grand-monde, la plupart des WRC sont toujours dans le shakedown pour un quatrième passage. Nous en profitons pour visiter les différentes « hospitalities ». Toyota a fait fort avec des jeux, des simulateurs, un concours (les premiers prix sont des places VIP sur des rallyes). Mes jeunes équipiers s'amusent un peu.

    j41f.jpg

    0qhu.jpg

     

    Nous rentrons dans notre location à Torsby pour déjeuner. Vers 16h, il est temps de se rendre à l'hippodrome de Karlstad. C'est à 100 km, nous mettons une heure et demie pour nous y rendre. Il y a un grand parking en face de l'hippodrome, c'est le pied, il n'y a que la grand-route à traverser. Nous prenons bien soin de coller notre ticket de parking sur le pare-brise. En effet, j'ai pris deux prunes sur le stationnement deux années de suite par le passé. J'ai fini par contacter l'Office du Tourisme de Karlstad (les loueurs de voiture n'ont jamais daigné communiquer), qui m'a le plus sérieusement expliqué que les agents de la société privée qui gère le parking doivent voir le ticket depuis les allées. Si le ticket est simplement posé à plat sur le tableau de bord (comme en France ou en Belgique), il y a automatiquement une prune. C'est pour cela qu'il y a un clip en plastique sur le bord des pare-brises des voitures suédoises.

     

    Nous rejoignons directement la tribune située à droite de l'entrée, où est sensée se dérouler la séance de signature d'autographes (entre 18h15 et 18h45). Contrairement aux années précédentes où tous les pilotes sélectionnés étaient alignés dans une seule rangée (et donc on pouvait tous les rencontrer), l'organisateur a cru bon de créer 4 groupes séparés. Nous imaginons déjà que ça ne va pas être simple pour avoir le temps de passer par les 4 circuits.

    jbw1.jpg

    Une vue de l'assistance publique à la séance des signatures

     

    A gauche de l'immense salle, les 3 pilotes M-Sport (dans l'ordre : Tidemand, Evans et Suninen) sont parqués derrière des barrières Nadar en compagnie d'Henning Solberg qui anime le « stand ». Les pilotes M-Sport (Evans et Suninen) n'ont pas des réputations de joyeux drilles (je les vois plutôt en Droopy), mais je vous assure que leurs éclats de rire aux boutades d'Henning en ont fait sourire plus d'un.

    nbf3.jpg

    xxoz.jpg

     

    Dans la partie centre-gauche de la salle, les 3 pilotes Citroën (Lappi, Ogier et Ostberg) sont accompagnés de Johan Kristoffersson. Dans la partie centre-droite, on retrouve les Hyundai boys (Mikkelsen, Neuville, Loeb). Et à droite, l'armada Toyota, avec dans l'ordre : Meeke, Tanak, Latvala et Gronholm.

    anir.jpg

     

    J'ai une mission spéciale, je me suis promis de faire signer une carte d'anniversaire pour mon beau-frère qui a fêté ses 63 ans le 12 février. Comme c'est un beau-frère qui faisait du rallye avec moi il y a 40 ans, j'ai préparé une carte avec une vieille photo de notre voiture de rallye (de 1981), et j'espère la faire signer par les 3 champions du monde WRC présents dans la salle.

     

    Etant arrivé parmi les premiers fans dans la salle, je commence par faire la file chez Hyundai. Je suis surtout intéressé par Sébastien Loeb, afin d'obtenir la première signature sur ma carte d'anniversaire. Je la lui présente, il me demande de quoi il s'agit, je lui explique en quelques mots que c'est pour un beau-frère qui n'a jamais pris l'avion, qui ne viendra donc jamais les voir en Suède, qui a fait du rallye avec moi il y a longtemps, et qui a eu son anniversaire l'avant-veille. Il sourit et s'exécute. Danos la signe ensuite en lâchant (un scoop) : « ouais, c'est comme ma copine, elle n'aime pas prendre l'avion ». Voilà les deux compères partis dans une conversation privée (que je ne dévoilerai pas ici). Quels déconneurs, ces deux-là.

    8pc1.jpg

    Je me mets immédiatement dans la file Citroën. En quelques minutes, j''arrive devant la table de Sébastien Ogier, mais il est justement interviewé par, ce que je finis par comprendre, l'équipe vidéo Citroën. Pas vraiment le moment idéal pour ça, alors que des dizaines de fans font la file et que le temps imparti s'écoule. Je patiente, et dès que la (jolie) journaliste s'en va, je montre ma carte, recommence mes explications en vitesse, ce qui fait également sourire Seb 2, qui signe ma carte avant de la filer à Julien Ingrassia.

    kgde.jpg

    C'est bon, j'avance dans ma quête de signatures, mais il est presque 18h45, et je comprends que je n'aurai pas le temps de faire la file chez Toyota. Comme Marcus Gronholm est le dernier de la rangée, je me faufile sur le côté, grimpe sur le montant horizontal de la barrière, et j'arrive à attirer l'attention du Grand, qui me demande aussi de quoi il s'agit, et à qui je répète également mon petit laïus. Il signe aussi en souriant. Mais un grand coup de sifflet retentit, c'est la fin de la récréation, les pilotes se lèvent comme un seul homme et sortent de la salle dans une cohue indescriptible. Je n'ai pas eu le temps de faire signer Rautiainen, mais je considère que j'ai rempli ma mission !

    71wv.jpg

    La suite, vous la connaissez, des duels de 1.900 m dans ce qui ressemble à une immense patinoire dont le système de réfrigération est en panne. Nous ne nous éternisons pas parce que nous avons une heure et demie de route pour rentrer au gîte. Je vous raconterai la suite plus tard !

     

    Vendredi 15 février

    Etant rentré tard la veille de Karlstad et ayant bâclé le briefing traditionnel de préparation du lendemain (mais ça, nous ne le savons pas encore), nous nous retrouvons sur la route de l'ES2 (Hof Finnskog 1) vers 6h30 du mat. Nous sommes seuls sur une route bien verglacée, je commence à gamberger : « Y a que nous qui allons à l'ES 2 ? Où sont les autres spectateurs ? ».

     

    Heureusement, des phares apparaissent dans mon rétro, c'est Loeb, qui nous rattrape et nous dépasse rapidement (mais moi, je respecte les limitations). Il est bientôt suivi par Latvala, qui fait de même. Là, mes doutes font place à une certitude : nous sommes tard, 10 fois trop tard, 100 fois trop tard pour arriver à rejoindre un spot de l'ES 2. Mon GPS spécial rallye m'indique qu'il y a une possibilité de quitter notre route pour rejoindre celle qui mène à l'ES 3 (Svullrya). Aussitôt dit, aussitôt fait !

    ldxw.jpg

    Sur l'écran de mon GPS, j'ai programmé les spéciales (en rouge) et les liaisons (en bleu). Nous avons suivi la flèche rouge pour aller à l'ES 3 à la place de l'ES 2.

     

    C'est ainsi que notre manque de sérieux dans l'évaluation de l'heure de départ nous fait rater la spéciale convoitée, et nous oblige à revoir nos plans de la journée, voire à rabaisser nos ambitions (en nombre de spéciales à voir). Nous arrivons bien en avance à l'ES 3. Nous choisissons un accès proche de l'arrivée, il y a une immense parking (déneigé et payant, évidemment) à quelques mètres de la spéciale, tout va bien. Je me place à l'intérieur de la dernière courbe gauche rapide qui est suivie de deux virages serrés artificiels, qui vont ralentir les voitures avant l'arrivée toute proche.

     

    Les premières WRC arrivent, ça dépote, la route est bien verglacée, il y a de la neige partout, c'est du bon rallye de Suède. Ces gars-là sont des virtuoses : il y a de la vitesse, mais cependant de l'onctuosité (si j'ose dire) dans les trajectoire, les freins à main sont juste dosés, les relances sont maîtrisées, c'est de l'art, et donc du bonheur (d'être là).

     

    Seul, Marcus Gronholm s'emmêle les pinceaux au freinage de la première « difficulté », touche le mur de neige avant le virage, il n'a plus la vitesse pour faire tourner la Yaris sur sa lancée, il est obligé de donner un grand coup de gaz et il part en tête-à-queue pour s'enfoncer dans un mur de neige. Comme je l'ai relaté plus avant, les nombreux commissaires et la présence de la maréchaussée suédoise ont d'abord empêché les spectateurs d'aller aider le malheureux Marcus coincé à quelques mètres de l'arrivée.

    z96i.jpg

    Le Grand Blond avec une chaussure de plomb (juste avant de faire sa boulette)

     

    Mais on ne peut pas rester indifférent devant le malheur, on ne peut pas rester les bras ballants devant l'infortune d'un as pas encore oublié, et bientôt 10, 20 spectateurs débordent les rubalises et arrivent à la rescousse. Les commissaires laissent faire, la police ferme les yeux, le grand échalas peut poursuivre sa route. Tout est bien qui finit bien.

     

    Nous qui pensions pouvoir voir deux spéciales dans la boucle matinale en sommes pour nos frais ! Il est 10h30, nous quittons l'ES 3 et n'avons d'autre choix que d'aller dans l'ES 5 (Hof Finnskog 2) qui se courra un peu avant 14h. Nous allons donc nous poster au pied d'une longue descente suivie de deux courbes à droite. Nous avons aussi tout le temps de déjeuner dans le bois, grâce à notre kit habituel : grill jetable, saucisse au fromage et pain hot-dog troué.

    7myg.jpg

     

    Les ténors arrivent à l'heure, le freinage en descente est périlleux, et l'enfilade qui suit à l'air rapide, Sébastien Ogier se charge immédiatement de nous le confirmer. Thierry Neuville nous confirme autre chose : on peut tout perdre à n'importe quel moment en Suède. Sa Hyundai se met en travers au freinage et finit dans le mur de neige. Il y laisse définitivement des morceaux d'aile qui avaient déjà commencé à se faire la malle dans une autre sortie dans la même spéciale (merci les vidéos embarquées).

    d6vx.jpg

     

    Vu le timing serré de cette boucle et comme nous sommes dans la spéciale la plus éloignée, nous n'avons d'autre solution que de retourner à Torsby pour l'ES 8 de fin de journée (17h14). La route est longue, très fréquentée à cette heure avec les gars qui ont les mêmes intentions que nous (et ils sont nombreux). Nous arrivons 15 minutes avant le passage des voitures, les deux plus jeunes du groupe courent jusqu'à la carrière, tandis que mon fils et moi, nous nous contentons de nous poster au freinage de la longue ligne droite avant l'arrivée. J'explique au gamin qu'il n'y a pas que les dérapages ou les sauts dans la vie de rallye, et que parfois, les freinages sont aussi très spectaculaires. Et c'est le cas. Neuville déboule au rupteur, et commence à freiner exactement au droit d'un panneau publicitaire qui va nous servir de référence. Nous sommes tout de suite surpris de voir que les pilotes qui vont suivre vont presque tous freiner plus tard ? Que se passe-t-il ? On nous aurait changé notre Thierry ?

     

    Nous comprenons que les conditions s'améliorent au fur et à mesure des passages. Et nous décidons de rester jusqu'aux WRC2. Nous avons bien fait : Ostberg freine bien plus loin que le fameux panneau. Rovanpera nous éblouira également, mais le grand moment de la journée, c'est Huttunen ! Lui, on a d'abord cru qu'il avait oublié de freiner. J'ai retenu ma respiration en pensant qu'il allait aller tout droit. Mais au tout dernier moment, on a vu l'avant de sa Fabia s'abaisser brusquement, l'auto a amorcé un dérapage salvateur qui lui a permis d'enfiler la dernière courbe, et elle a passé la ligne d'arrivée au rupteur. On ne saura peut-être jamais si Huttunen a maîtrisé le processus ou s'il s'est mélangé les pinceaux, mais je lui tire mon chapeau, c'est le plus beau freinage de la journée, voire du rallye, mais comme il reste 2 jours de course...

    Samedi 16 février : le pied intégral !

    Forts de notre expérience (malheureuse) de la veille, nous nous levons à la bonne heure, et nous sommes installés dans l’ES 9 (Rämmen) un bon quart d’heure avant le départ de cette première spéciale du samedi (7h44). Nous avons choisi un droite-gauche rapide en montée, dans une zone dégagée, où nous pourrons voir les voitures un peu plus longtemps que d’habitude. Il y a peu de neige dans le bois, la route de la spéciale ressemble déjà à un chemin de terre.

    Ce n’est pas un bon spot pour la photo, il ne fait pas très lumineux, on est loin de la route (à l’extérieur, l’intérieur est zone interdite), ce qui fait que mon jeune photographe s’éloigne dans le bois en espérant trouver d’autres conditions. Je reste avec mon fiston pour profiter au mieux des trajectoires, des endroits où les pilotes passent les vitesses,  des dérives plus ou moins prononcées.  Je fais juste une rafale de photos d’un passage (Evans) avec mon smartphone, pour garder une trace.

    nm03.jpg

     

    Comme je l’ai déjà écrit dans un post précédent, on peut aussi apprécier le son lors d’un rallye. J’ai souvent pesté dans le passé (en Finlande, en Allemagne, ou en Suède) quand les organisateurs installent des haut-parleurs qui débitent de la musique ou des commentaires imbitables, ça gâche le plaisir des oreilles. Ici, pas de bruits parasites, on entend les WRC longtemps avant de les voir, le son des 1,6 litre turbo résonne dans les bois, c’est aussi beau que du Chopin (je vous avais prévenus, c’est subjectif). On voit d’abord un nuage de neige s’élever au-dessus des jeunes plants de sapin, puis les voitures déboulent dans la zone dégagée et avalent les deux courbes en soulageant un peu avant le gauche, puis elles disparaissent derrière un sommet. C’est simple, c’est beau, c’est chouette. Elle est pas belle, la vie ?

    Nous sortons de la spéciale après une vingtaine de voitures, mais c’est déjà trop tard pour l’ES 10 (Hagfors) qui est pourtant située juste de l’autre côté de la route nationale. Ce n’est pas grave, j’ai un plan B qui est en gestation depuis le début du séjour. Comme je le décrivais plus haut, j’ai toujours les spéciales et les liaisons affichées dans mon GPS (une tablette fixée au pare-brise). Je privilégie les parcours de liaison quand c’est possible, parce qu’on a toujours l’occasion de tomber sur des WRC garées aux bords des routes, avec des pilotes souvent accessibles. Je ne compte plus les fois où j’ai pu profiter du spectacle des assistances « sauvages » : changement de roues, durcissement de suspension, ajout de caches de refroidissement, dégagement de la neige accumulée dans les passages de roue, etc…

    Donc, nous nous dirigeons vers l’ES 10 (Vargasen) par la liaison, en prenant notre temps puisque nous devons suivre les voitures du rallye et non pas les précéder. Et ça ne rate pas ! A un carrefour, à l’endroit d’un élargissement de la chaussée, Neuville, Meeke et Lappi sont garés et les équipages sont affairés. Je me gare plus loin pour ne gêner personne, et nous revenons pour profiter du ballet. Parce que c’en est un, et bien rôdé.

    pn2k.jpg

    wvra.jpg

    8mri.jpg

     

    Je n’imaginais pas que tous les pilotes sortiraient les roues de secours pour les comparer avec  les roues utilisées. De prime abord, je ne vois aucune différence dans l’usure des clous, mais les pilotes, eux, ils en voient, puisqu’ils remplacent ou déplacent les roues en quelques minutes, parfois en demandant au copilote de confirmer leur choix.

    3s7a.jpg

    qqfw.jpg

     

    Les crics hydrauliques sont manipulés avec célérité, les boulonneuses électriques entrent en action,  c’est là qu’on peut se demander pourquoi les équipes en WRC ont des stands de Formule 1 à Torsby alors que les pilotes doivent s’agiter avec des moyens dérisoires aux bords des routes. FIA, si tu m’entends ?

    Neuville, Meeke et Lappi à peine partis, ce sont Tänak, Mikkelsen et Suninen qui se pointent. On ne sait plus où regarder. Il y a trop de choses à voir. Tiens, c’est sympa, Tänak rejoint Suninen et ils devisent en riant. Ils se battaient à coups de dixièmes de secondes plus tôt ce matin, et justement Suninen a craqué dans la spéciale précédente et a perdu 1 minute et demie d’un coup. Je dois l’avouer, ça me plaît de voir autant de sportivité.

    nmsq.jpg

    kh8c.jpg

    1exi.jpg

     

    Quand ces trois-là repartent, c’est Mads Ostberg qui se pointe. Lui aussi compare longuement ses pneus usés et neufs.  C’est ensuite Pieniazek qui s’arrête, puis Lindholm et sa superbe Polo R5. Nous sommes comblés, c’est un autre aspect du rallye que je ne dédaigne jamais.

    En étudiant le timing des spéciales du jour, je ne peux pas m’empêcher de penser que ce n’est peut-être pas anodin de rapprocher autant les spéciales d’une matinée. Il devient difficile de voir plus d’un passage par boucle. A 10h du matin, les premières voitures sur la route ont déjà terminé le boulot et rentrent au service park ! Tant pis, nous nous adaptons. Nous optons pour l’ES 13 (Hagfors), qui est programmée à 13h53. Je connais un spot intéressant pour l’avoir pratiqué quelques fois dans le passé, nous nous y rendons à l’aise.

    Cette fois, nous profitons des 2 heures de répit pour préparer un autre déjeuner typique : grill jetable, hamburger, oignons, pains ronds grillés, sauce barbecue qu’on ne trouve qu’en Suède. Le plaisir en rallye passe aussi par là.

    m7nb.jpg

     

    Les voitures déboulent bientôt, c’est du rapide, mais la route est sale et j’ai l’impression qu’ils passent moins vite que les années précédentes. J’aurais dû garder le pistolet radar Bushnell qui me permettait de mesurer la vitesse des flèches quand je pratiquais le tir à l’arc. C’est Tänak qui réalise le meilleur temps, ce gars est incroyable (mais bon, sa position ne doit pas le handicaper).

    6s09.jpg

     

    Il est presque 16h quand nous repartons d’Hagfors, les pilotes ont d’abord piscine à Karlstad, et ils doivent revenir à Torsby à 19h30 pour le Sprint dans la carrière. Nous, nous regagnons notre maison de Torsby, et je décide que j’en ai fait assez pour ce samedi. Karlstad, nous y sommes allés le jeudi, Torsby Sprint, nous l’avons déjà vu la veille.

     

    Dimanche 17 février

    Nous voilà au dernier jour de rallye. La moitié de ma bande de quatre me remet un certificat médical : ils sont crevés et ils ne pourront pas nous accompagner sur cette ultime boucle. Peu importe, il y a de si petits écarts entre quelques concurrents du top 10 que je me dis qu’ils ne vont pas pouvoir assurer. Nous partons très tôt pour l’ES 17 (Likenäs), où mon jeune photographe désire aller du côté de l’arrivée. Je connais d’autres spots mais je lui laisse le choix.  Dès 7h30, nous sommes en place, il ne fait pas très clair, les photos vont manquer de lumière. De plus, il y a un monde fou, il y a des arbres et des drapeaux partout devant nous.

    j4ku.jpg

     

    Comme je l’espérais, des concurrents jouent leur place, et ce n’est pas une procession. La poudreuse vole dans tous les sens, je dois sans cesse protéger mon petit appareil photo. Il fait aussi plus frais ce matin, je vais avoir froid pour la première fois.

    Comme ils doivent passer deux fois ici avant la power stage, nous décidons de rester au même endroit. Nous voyons donc les R2 pour la première fois. Chance, entre les deux passages, la moitié des spectateurs s’en va. Des « Meteo Crew » (avec des dossards sur la photo) se pointent pour tâter la neige, prendre sa température et réaliser des photos.

    lyg2.jpg

     

    Nous nous replaçons en espérant de meilleures photos. Le deuxième passage (ES 18) est encore plus intéressant, ça dépote grave. Mais cette fois, si nous voulons aller voir la power stage, nous devons partir après le passage des premières WRC2.

     

    x9rq.jpg

    rfzc.jpg

    slqs.jpg

     

    Malheureusement, des centaines de personnes (peut-être des milliers) font la même chose que nous en même temps, ce qui fait que nous nous retrouvons pare-choc contre pare-choc, au pas, sur la grand-route vers Torsby. Le GPS m’annonce que le prochain carrefour se situe à 9,8 km, et effectivement, nous roulons au pas jusque là et nous perdons presqu’une heure.  Par deux fois, nous trouvons des petits raccourcis qui nous permettent d’avancer de 1,500 m par des routes désertes.

    Forcément, nous arrivons à Torsby à l’heure de la power stage (12h15), et nous décidons d’aller au gîte la regarder à la TV (c’est retransmis sur une chaîne suédoise). Voilà, l’aventure prend fin, nous devons vite ranger nos effets, quitter cette maison accueillante.

    4ruv.jpg

     

    Vers 14h, nous partons vers l’aéroport d’Oslo où je débarque nos deux équipiers. Mon fiston et moi, nous nous tapons un bon repas dans un restaurant de Jessheim où nous avons nos habitudes, et après une courte nuit dans un hôtel du coin, nous prenons lundi matin l’avion de Bruxelles de 6h40, ce qui nous fera encore lever à 4h.

    Je vous le dis, on ne va pas au rallye de Suède pour se reposer. Par contre, on en revient avec des souvenirs plein la tête. Et si comme moi, vous arrivez à écrire le récit de vos aventures par le détail, sa lecture vous ramènera inexorablement dans les bois suédois, vous replongera dans une ambiance bien particulière (avec l’odeur de fumée en prime), vous rappellera les marches dans la neige et sur le verglas : c’est aussi ça le bonheur…

    That’s all, Folks!


    votre commentaire
  • PREAMBULE

    Retour en Belgique le lundi matin (très tôt). Le délicat fumet de trappeur qui s’exhalait de ma veste a inévitablement interpellé ma voisine dans l’avion. 

    Elle ne connaissait évidemment pas ce sport national suédois qui consiste à traîner des tas de bûches jusqu’au plus profond de la forêt, y foutre le feu et enfumer avec délectation les malheureux spectateurs réduits à regarder les passages des WRC la moitié du temps en apnée ou avec la larme à l’oeil (je sais, la phrase est longue, vous avez repris votre souffle ?).

    Moi, cette fumée ne me dérange qu’à moitié parce que j’ai fumé une partie de ma jeunesse et que j’aime le whisky tourbé, mais mes jeunes coéquipiers dont c’était le baptême du feu (waf) ont moins apprécié. Sans parler des chasubles bleues qui pensent toujours avoir trouvé le spot de leur vie et qui se lamentent quand ils voient le piqué de leurs clichés.

    Forcément, on ne juge pas la qualité d’un rallye que sur son empreinte carbone. Je dois vous avouer que personnellement, j’aimerais plutôt voir ajouter une note artistique au résultat sec du chrono.

    Voilà, je ne vais donc pas vous relater les faits de course que vous avez déjà pu lire en détails ici ou là, je vais vous décrire quelques moments délicieux qui font qu’un rallye du championnat du monde est une fête permanente qui réserve toujours des bonnes surprises.

    Arrivés le mardi à Torsby par la grâce d’une grève nationale, nous étions sur pied de guerre dès le mercredi matin, ce qui ne nous était plus arrivé depuis longtemps.

    C’est ainsi que nous avons pu aller nous poster à l’arrivée de la spéciale d’Hagfors le mercredi matin, à l’heure des dernières reconnaissances. Il y avait un contrôle de passage sur le (futur) parking des spectateurs, mais nous sommes montés jusqu’au point stop de la spéciale où nous avions remarqué une demi-douzaine d’aficionados et une mini-équipe de reportage de la télévision suédoise. Il faisait +6 degrés.

    Mode REPORTAGE

    La montée jusqu’au point stop est périlleuse, la route est verglacée, il nous faut marcher dans l’accotement où il y a une bonne couche de neige.

    Bientôt, une voiture descend la spéciale, c’est Henning Solberg, qui s’arrête un instant, et qui signe quelques autographes tout en répondant au téléphone.

    d6pk.jpg

    Chris Meeke le suit de près, il s’arrête également, il signe des autographe, il sourit. Cette fois, nous avons le temps de l’encourager, il nous remercie. Cependant, je modère aussitôt ma team (des novices, comme vous savez), en leur rappelant que souhaiter bonne chance porte malheur, selon une tradition populaire. attachée au monde de l’art et étant entendu que le rallye en est un, d’art.

    Une autre voiture arrive, c’est une superbe Focus RS. Il s’agit de Pontus Tidemand. L’équipe de TV se positionne et l’interviewe longuement, ce qui provoque une petite file. En effet, à partir de ce moment-là, les voitures de reconnaissance se suivent : Mikkelsen, Katsuta, Ostberg, Neuville, Lappi, Ogier, Loeb (dans une superbe BMW blanche), Tanak, Latvala, Lindholm,…

    em92.jpg

    Je demande à Thierry Neuville ce qu’il pense de la spéciale, il me répond qu’il est persuadé que ça va fondre et que ça va devenir un problème.

    Quel bonheur aussi : toutes les voitures se sont arrêtées, tous les pilotes ont descendu la vitre, tous ont signé des autographes, tous ont souri et remercié.

    Parcours du SHAKEDOWN

    Le mercredi après-midi, les reconnaissances sont malheureusement déjà terminées. Comme nous logeons à une dizaine de kilomètres du shakedown, nous décidons d’aller jeter un coup d’œil sur l’état de la route, et éventuellement de repérer un spot intéressant.

    Persuadé que la route est déjà fermée à la circulation (après vérification, c’est le cas de toutes les spéciales, sauf le shakedown), j’emprunte une route d’accès du guide des spectateurs. A l’endroit de la spéciale, je suis étonné de ne trouver aucune barrière, il n’y a pas un chat, l’occasion est trop belle, je m’engage dans le sens officiel et nous parcourons le tracé.

    h1ni.jpg

    C’est grisant, j’accélère, ma Yaris hybride de location tient relativement bien la route, elle amorti les nombreuses bosses, on apprécie vraiment la sinuosité, on s’amuse comme des fous. Il y a très peu de monde, juste quelques camping-cars qui se sont planqués dans des chemins de traverse. J’arrive à une épingle, je veux faire mon « kéké » et je tire le frein à main. Erreur ! Le système antidérapage entre en scène et empêche le dérapage, j’en suis pour mes frais.

    Nous terminons le shakedown et nous décidons de rejoindre le départ pour reconnaître le morceau que nous n’avons pas encore parcouru. Il n’y a personne pour nous en empêcher, nous avons reconnu l’entièreté du tracé. Comme il n’y a pas beaucoup d’accès possibles, nous savons que nous entrerons dans le shakedown par le départ, qui est constitué d’une petite descente suivie d’une bosse en virage sur la gauche (toutes les voitures sauteront roues braquées pour tourner à la réception), avec ensuite une longue courbe à droite en légère montée. C’est là que nous irons !

    En rentrant sur Torsby, le padawan de l’équipe souhaite voir le service park, mais bizarrement, c’est fermé au public. Ce n’est pas grave, ça nous laisse le temps d’aller faire des courses et de nous préparer pour les choses sérieuses du jeudi.

    QUE LA FÊTE COMMENCE

    Comme le shakedown est proposé à une heure plus tardive qu’à l’accoutumée (9h), nous n’avons pas à nous presser, nous arrivons 30 minutes avant l’heure de départ, l’organisateur a prévu un grand parking dans un champ déneigé, c’est trop facîîîle ! Nous nous installons à l’intérieur du premier droit, avec vue sur le départ et la première bosse. La route est bien verglacée, il y a 50 à 60 cm de neige sur les côtés.

    Excellent choix, après un premier passage relativement calme (les voitures sautent à peine sur la bosse), la suite va nous régaler. Les pilotes sont chauds, on sent qu’ils sont passés à la vitesse supérieure : festival de sauts, hurlements de moteur plus prononcés, dérives beaucoup plus larges. J’arrive à me rapprocher de la route pour filmer et faire quelques photos. Quel pied !

    pz7b.jpg

    Ogier au deuxième passage (au premier, il n'a même pas dérivé)

    9f3h.jpg

    Rovanpera (lui, ça a été une suite de passages par la portière)

    Au bout d’une heure et demie, nous décidons de sortir du shakedown, avec l’espoir de voir quelques voitures de près puisque nous remontons l’accès à l’envers. Chance, nous tombons sur les WRC qui vont effectuer leur troisième passage.

    Nous quittons le shakedown vers 11h30, et nous décidons de passer par le service park situé à 8 km. Il n'y a pas grand-monde, la plupart des WRC sont toujours dans le shakedown pour un quatrième passage. Nous en profitons pour visiter les différentes « hospitalities ». Toyota a fait fort avec des jeux, des simulateurs, un concours (les premiers prix sont des places VIP sur des rallyes). Mes jeunes équipiers s'amusent un peu.

    j41f.jpg

    0qhu.jpg

     

    Nous rentrons dans notre location à Torsby pour déjeuner. Vers 16h, il est temps de se rendre à l'hippodrome de Karlstad. C'est à 100 km, nous mettons une heure et demie pour nous y rendre. Il y a un grand parking en face de l'hippodrome, c'est le pied, il n'y a que la grand-route à traverser. Nous prenons bien soin de coller notre ticket de parking sur le pare-brise. En effet, j'ai pris deux prunes sur le stationnement deux années de suite par le passé. J'ai fini par contacter l'Office du Tourisme de Karlstad (les loueurs de voiture n'ont jamais daigné communiquer), qui m'a le plus sérieusement expliqué que les agents de la société privée qui gère le parking doivent voir le ticket depuis les allées. Si le ticket est simplement posé à plat sur le tableau de bord (comme en France ou en Belgique), il y a automatiquement une prune. C'est pour cela qu'il y a un clip en plastique sur le bord des pare-brises des voitures suédoises.

     

    Nous rejoignons directement la tribune située à droite de l'entrée, où est sensée se dérouler la séance de signature d'autographes (entre 18h15 et 18h45). Contrairement aux années précédentes où tous les pilotes sélectionnés étaient alignés dans une seule rangée (et donc on pouvait tous les rencontrer), l'organisateur a cru bon de créer 4 groupes séparés. Nous imaginons déjà que ça ne va pas être simple pour avoir le temps de passer par les 4 circuits.

    jbw1.jpg

    Une vue de l'assistance publique à la séance des signatures

     

    A gauche de l'immense salle, les 3 pilotes M-Sport (dans l'ordre : Tidemand, Evans et Suninen) sont parqués derrière des barrières Nadar en compagnie d'Henning Solberg qui anime le « stand ». Les pilotes M-Sport (Evans et Suninen) n'ont pas des réputations de joyeux drilles (je les vois plutôt en Droopy), mais je vous assure que leurs éclats de rire aux boutades d'Henning en ont fait sourire plus d'un.

    nbf3.jpg

    xxoz.jpg

     

    Dans la partie centre-gauche de la salle, les 3 pilotes Citroën (Lappi, Ogier et Ostberg) sont accompagnés de Johan Kristoffersson. Dans la partie centre-droite, on retrouve les Hyundai boys (Mikkelsen, Neuville, Loeb). Et à droite, l'armada Toyota, avec dans l'ordre : Meeke, Tanak, Latvala et Gronholm.

    anir.jpg

     

    J'ai une mission spéciale, je me suis promis de faire signer une carte d'anniversaire pour mon beau-frère qui a fêté ses 63 ans le 12 février. Comme c'est un beau-frère qui faisait du rallye avec moi il y a 40 ans, j'ai préparé une carte avec une vieille photo de notre voiture de rallye (de 1981), et j'espère la faire signer par les 3 champions du monde WRC présents dans la salle.

     

    Etant arrivé parmi les premiers fans dans la salle, je commence par faire la file chez Hyundai. Je suis surtout intéressé par Sébastien Loeb, afin d'obtenir la première signature sur ma carte d'anniversaire. Je la lui présente, il me demande de quoi il s'agit, je lui explique en quelques mots que c'est pour un beau-frère qui n'a jamais pris l'avion, qui ne viendra donc jamais les voir en Suède, qui a fait du rallye avec moi il y a longtemps, et qui a eu son anniversaire l'avant-veille. Il sourit et s'exécute. Danos la signe ensuite en lâchant (un scoop) : « ouais, c'est comme ma copine, elle n'aime pas prendre l'avion ». Voilà les deux compères partis dans une conversation privée (que je ne dévoilerai pas ici). Quels déconneurs, ces deux-là.

    8pc1.jpg

    Je me mets immédiatement dans la file Citroën. En quelques minutes, j''arrive devant la table de Sébastien Ogier, mais il est justement interviewé par, ce que je finis par comprendre, l'équipe vidéo Citroën. Pas vraiment le moment idéal pour ça, alors que des dizaines de fans font la file et que le temps imparti s'écoule. Je patiente, et dès que la (jolie) journaliste s'en va, je montre ma carte, recommence mes explications en vitesse, ce qui fait également sourire Seb 2, qui signe ma carte avant de la filer à Julien Ingrassia.

    kgde.jpg

    C'est bon, j'avance dans ma quête de signatures, mais il est presque 18h45, et je comprends que je n'aurai pas le temps de faire la file chez Toyota. Comme Marcus Gronholm est le dernier de la rangée, je me faufile sur le côté, grimpe sur le montant horizontal de la barrière, et j'arrive à attirer l'attention du Grand, qui me demande aussi de quoi il s'agit, et à qui je répète également mon petit laïus. Il signe aussi en souriant. Mais un grand coup de sifflet retentit, c'est la fin de la récréation, les pilotes se lèvent comme un seul homme et sortent de la salle dans une cohue indescriptible. Je n'ai pas eu le temps de faire signer Rautiainen, mais je considère que j'ai rempli ma mission !

    71wv.jpg

    La suite, vous la connaissez, des duels de 1.900 m dans ce qui ressemble à une immense patinoire dont le système de réfrigération est en panne. Nous ne nous éternisons pas parce que nous avons une heure et demie de route pour rentrer au gîte. Je vous raconterai la suite plus tard !

     

    Vendredi 15 février

    Etant rentré tard la veille de Karlstad et ayant bâclé le briefing traditionnel de préparation du lendemain (mais ça, nous ne le savons pas encore), nous nous retrouvons sur la route de l'ES2 (Hof Finnskog 1) vers 6h30 du mat. Nous sommes seuls sur une route bien verglacée, je commence à gamberger : « Y a que nous qui allons à l'ES 2 ? Où sont les autres spectateurs ? ».

     

    Heureusement, des phares apparaissent dans mon rétro, c'est Loeb, qui nous rattrape et nous dépasse rapidement (mais moi, je respecte les limitations). Il est bientôt suivi par Latvala, qui fait de même. Là, mes doutes font place à une certitude : nous sommes tard, 10 fois trop tard, 100 fois trop tard pour arriver à rejoindre un spot de l'ES 2. Mon GPS spécial rallye m'indique qu'il y a une possibilité de quitter notre route pour rejoindre celle qui mène à l'ES 3 (Svullrya). Aussitôt dit, aussitôt fait !

    ldxw.jpg

    Sur l'écran de mon GPS, j'ai programmé les spéciales (en rouge) et les liaisons (en bleu). Nous avons suivi la flèche rouge pour aller à l'ES 3 à la place de l'ES 2.

     

    C'est ainsi que notre manque de sérieux dans l'évaluation de l'heure de départ nous fait rater la spéciale convoitée, et nous oblige à revoir nos plans de la journée, voire à rabaisser nos ambitions (en nombre de spéciales à voir). Nous arrivons bien en avance à l'ES 3. Nous choisissons un accès proche de l'arrivée, il y a une immense parking (déneigé et payant, évidemment) à quelques mètres de la spéciale, tout va bien. Je me place à l'intérieur de la dernière courbe gauche rapide qui est suivie de deux virages serrés artificiels, qui vont ralentir les voitures avant l'arrivée toute proche.

     

    Les premières WRC arrivent, ça dépote, la route est bien verglacée, il y a de la neige partout, c'est du bon rallye de Suède. Ces gars-là sont des virtuoses : il y a de la vitesse, mais cependant de l'onctuosité (si j'ose dire) dans les trajectoire, les freins à main sont juste dosés, les relances sont maîtrisées, c'est de l'art, et donc du bonheur (d'être là).

     

    Seul, Marcus Gronholm s'emmêle les pinceaux au freinage de la première « difficulté », touche le mur de neige avant le virage, il n'a plus la vitesse pour faire tourner la Yaris sur sa lancée, il est obligé de donner un grand coup de gaz et il part en tête-à-queue pour s'enfoncer dans un mur de neige. Comme je l'ai relaté plus avant, les nombreux commissaires et la présence de la maréchaussée suédoise ont d'abord empêché les spectateurs d'aller aider le malheureux Marcus coincé à quelques mètres de l'arrivée.

    z96i.jpg

    Le Grand Blond avec une chaussure de plomb (juste avant de faire sa boulette)

     

    Mais on ne peut pas rester indifférent devant le malheur, on ne peut pas rester les bras ballants devant l'infortune d'un as pas encore oublié, et bientôt 10, 20 spectateurs débordent les rubalises et arrivent à la rescousse. Les commissaires laissent faire, la police ferme les yeux, le grand échalas peut poursuivre sa route. Tout est bien qui finit bien.

     

    Nous qui pensions pouvoir voir deux spéciales dans la boucle matinale en sommes pour nos frais ! Il est 10h30, nous quittons l'ES 3 et n'avons d'autre choix que d'aller dans l'ES 5 (Hof Finnskog 2) qui se courra un peu avant 14h. Nous allons donc nous poster au pied d'une longue descente suivie de deux courbes à droite. Nous avons aussi tout le temps de déjeuner dans le bois, grâce à notre kit habituel : grill jetable, saucisse au fromage et pain hot-dog troué.

    7myg.jpg

     

    Les ténors arrivent à l'heure, le freinage en descente est périlleux, et l'enfilade qui suit à l'air rapide, Sébastien Ogier se charge immédiatement de nous le confirmer. Thierry Neuville nous confirme autre chose : on peut tout perdre à n'importe quel moment en Suède. Sa Hyundai se met en travers au freinage et finit dans le mur de neige. Il y laisse définitivement des morceaux d'aile qui avaient déjà commencé à se faire la malle dans une autre sortie dans la même spéciale (merci les vidéos embarquées).

    d6vx.jpg

     

    Vu le timing serré de cette boucle et comme nous sommes dans la spéciale la plus éloignée, nous n'avons d'autre solution que de retourner à Torsby pour l'ES 8 de fin de journée (17h14). La route est longue, très fréquentée à cette heure avec les gars qui ont les mêmes intentions que nous (et ils sont nombreux). Nous arrivons 15 minutes avant le passage des voitures, les deux plus jeunes du groupe courent jusqu'à la carrière, tandis que mon fils et moi, nous nous contentons de nous poster au freinage de la longue ligne droite avant l'arrivée. J'explique au gamin qu'il n'y a pas que les dérapages ou les sauts dans la vie de rallye, et que parfois, les freinages sont aussi très spectaculaires. Et c'est le cas. Neuville déboule au rupteur, et commence à freiner exactement au droit d'un panneau publicitaire qui va nous servir de référence. Nous sommes tout de suite surpris de voir que les pilotes qui vont suivre vont presque tous freiner plus tard ? Que se passe-t-il ? On nous aurait changé notre Thierry ?

     

    Nous comprenons que les conditions s'améliorent au fur et à mesure des passages. Et nous décidons de rester jusqu'aux WRC2. Nous avons bien fait : Ostberg freine bien plus loin que le fameux panneau. Rovanpera nous éblouira également, mais le grand moment de la journée, c'est Huttunen ! Lui, on a d'abord cru qu'il avait oublié de freiner. J'ai retenu ma respiration en pensant qu'il allait aller tout droit. Mais au tout dernier moment, on a vu l'avant de sa Fabia s'abaisser brusquement, l'auto a amorcé un dérapage salvateur qui lui a permis d'enfiler la dernière courbe, et elle a passé la ligne d'arrivée au rupteur. On ne saura peut-être jamais si Huttunen a maîtrisé le processus ou s'il s'est mélangé les pinceaux, mais je lui tire mon chapeau, c'est le plus beau freinage de la journée, voire du rallye, mais comme il reste 2 jours de course...

    Samedi 16 février : le pied intégral !

    Forts de notre expérience (malheureuse) de la veille, nous nous levons à la bonne heure, et nous sommes installés dans l’ES 9 (Rämmen) un bon quart d’heure avant le départ de cette première spéciale du samedi (7h44). Nous avons choisi un droite-gauche rapide en montée, dans une zone dégagée, où nous pourrons voir les voitures un peu plus longtemps que d’habitude. Il y a peu de neige dans le bois, la route de la spéciale ressemble déjà à un chemin de terre.

    Ce n’est pas un bon spot pour la photo, il ne fait pas très lumineux, on est loin de la route (à l’extérieur, l’intérieur est zone interdite), ce qui fait que mon jeune photographe s’éloigne dans le bois en espérant trouver d’autres conditions. Je reste avec mon fiston pour profiter au mieux des trajectoires, des endroits où les pilotes passent les vitesses,  des dérives plus ou moins prononcées.  Je fais juste une rafale de photos d’un passage (Evans) avec mon smartphone, pour garder une trace.

    nm03.jpg

     

    Comme je l’ai déjà écrit dans un post précédent, on peut aussi apprécier le son lors d’un rallye. J’ai souvent pesté dans le passé (en Finlande, en Allemagne, ou en Suède) quand les organisateurs installent des haut-parleurs qui débitent de la musique ou des commentaires imbitables, ça gâche le plaisir des oreilles. Ici, pas de bruits parasites, on entend les WRC longtemps avant de les voir, le son des 1,6 litre turbo résonne dans les bois, c’est aussi beau que du Chopin (je vous avais prévenus, c’est subjectif). On voit d’abord un nuage de neige s’élever au-dessus des jeunes plants de sapin, puis les voitures déboulent dans la zone dégagée et avalent les deux courbes en soulageant un peu avant le gauche, puis elles disparaissent derrière un sommet. C’est simple, c’est beau, c’est chouette. Elle est pas belle, la vie ?

    Nous sortons de la spéciale après une vingtaine de voitures, mais c’est déjà trop tard pour l’ES 10 (Hagfors) qui est pourtant située juste de l’autre côté de la route nationale. Ce n’est pas grave, j’ai un plan B qui est en gestation depuis le début du séjour. Comme je le décrivais plus haut, j’ai toujours les spéciales et les liaisons affichées dans mon GPS (une tablette fixée au pare-brise). Je privilégie les parcours de liaison quand c’est possible, parce qu’on a toujours l’occasion de tomber sur des WRC garées aux bords des routes, avec des pilotes souvent accessibles. Je ne compte plus les fois où j’ai pu profiter du spectacle des assistances « sauvages » : changement de roues, durcissement de suspension, ajout de caches de refroidissement, dégagement de la neige accumulée dans les passages de roue, etc…

    Donc, nous nous dirigeons vers l’ES 10 (Vargasen) par la liaison, en prenant notre temps puisque nous devons suivre les voitures du rallye et non pas les précéder. Et ça ne rate pas ! A un carrefour, à l’endroit d’un élargissement de la chaussée, Neuville, Meeke et Lappi sont garés et les équipages sont affairés. Je me gare plus loin pour ne gêner personne, et nous revenons pour profiter du ballet. Parce que c’en est un, et bien rôdé.

    pn2k.jpg

    wvra.jpg

    8mri.jpg

     

    Je n’imaginais pas que tous les pilotes sortiraient les roues de secours pour les comparer avec  les roues utilisées. De prime abord, je ne vois aucune différence dans l’usure des clous, mais les pilotes, eux, ils en voient, puisqu’ils remplacent ou déplacent les roues en quelques minutes, parfois en demandant au copilote de confirmer leur choix.

    3s7a.jpg

    qqfw.jpg

     

    Les crics hydrauliques sont manipulés avec célérité, les boulonneuses électriques entrent en action,  c’est là qu’on peut se demander pourquoi les équipes en WRC ont des stands de Formule 1 à Torsby alors que les pilotes doivent s’agiter avec des moyens dérisoires aux bords des routes. FIA, si tu m’entends ?

    Neuville, Meeke et Lappi à peine partis, ce sont Tänak, Mikkelsen et Suninen qui se pointent. On ne sait plus où regarder. Il y a trop de choses à voir. Tiens, c’est sympa, Tänak rejoint Suninen et ils devisent en riant. Ils se battaient à coups de dixièmes de secondes plus tôt ce matin, et justement Suninen a craqué dans la spéciale précédente et a perdu 1 minute et demie d’un coup. Je dois l’avouer, ça me plaît de voir autant de sportivité.

    nmsq.jpg

    kh8c.jpg

    1exi.jpg

     

    Quand ces trois-là repartent, c’est Mads Ostberg qui se pointe. Lui aussi compare longuement ses pneus usés et neufs.  C’est ensuite Pieniazek qui s’arrête, puis Lindholm et sa superbe Polo R5. Nous sommes comblés, c’est un autre aspect du rallye que je ne dédaigne jamais.

    En étudiant le timing des spéciales du jour, je ne peux pas m’empêcher de penser que ce n’est peut-être pas anodin de rapprocher autant les spéciales d’une matinée. Il devient difficile de voir plus d’un passage par boucle. A 10h du matin, les premières voitures sur la route ont déjà terminé le boulot et rentrent au service park ! Tant pis, nous nous adaptons. Nous optons pour l’ES 13 (Hagfors), qui est programmée à 13h53. Je connais un spot intéressant pour l’avoir pratiqué quelques fois dans le passé, nous nous y rendons à l’aise.

    Cette fois, nous profitons des 2 heures de répit pour préparer un autre déjeuner typique : grill jetable, hamburger, oignons, pains ronds grillés, sauce barbecue qu’on ne trouve qu’en Suède. Le plaisir en rallye passe aussi par là.

    m7nb.jpg

     

    Les voitures déboulent bientôt, c’est du rapide, mais la route est sale et j’ai l’impression qu’ils passent moins vite que les années précédentes. J’aurais dû garder le pistolet radar Bushnell qui me permettait de mesurer la vitesse des flèches quand je pratiquais le tir à l’arc. C’est Tänak qui réalise le meilleur temps, ce gars est incroyable (mais bon, sa position ne doit pas le handicaper).

    6s09.jpg

     

    Il est presque 16h quand nous repartons d’Hagfors, les pilotes ont d’abord piscine à Karlstad, et ils doivent revenir à Torsby à 19h30 pour le Sprint dans la carrière. Nous, nous regagnons notre maison de Torsby, et je décide que j’en ai fait assez pour ce samedi. Karlstad, nous y sommes allés le jeudi, Torsby Sprint, nous l’avons déjà vu la veille.

     

    Dimanche 17 février

    Nous voilà au dernier jour de rallye. La moitié de ma bande de quatre me remet un certificat médical : ils sont crevés et ils ne pourront pas nous accompagner sur cette ultime boucle. Peu importe, il y a de si petits écarts entre quelques concurrents du top 10 que je me dis qu’ils ne vont pas pouvoir assurer. Nous partons très tôt pour l’ES 17 (Likenäs), où mon jeune photographe désire aller du côté de l’arrivée. Je connais d’autres spots mais je lui laisse le choix.  Dès 7h30, nous sommes en place, il ne fait pas très clair, les photos vont manquer de lumière. De plus, il y a un monde fou, il y a des arbres et des drapeaux partout devant nous.

    j4ku.jpg

     

    Comme je l’espérais, des concurrents jouent leur place, et ce n’est pas une procession. La poudreuse vole dans tous les sens, je dois sans cesse protéger mon petit appareil photo. Il fait aussi plus frais ce matin, je vais avoir froid pour la première fois.

    Comme ils doivent passer deux fois ici avant la power stage, nous décidons de rester au même endroit. Nous voyons donc les R2 pour la première fois. Chance, entre les deux passages, la moitié des spectateurs s’en va. Des « Meteo Crew » (avec des dossards sur la photo) se pointent pour tâter la neige, prendre sa température et réaliser des photos.

    lyg2.jpg

     

    Nous nous replaçons en espérant de meilleures photos. Le deuxième passage (ES 18) est encore plus intéressant, ça dépote grave. Mais cette fois, si nous voulons aller voir la power stage, nous devons partir après le passage des premières WRC2.

     

    x9rq.jpg

    rfzc.jpg

    slqs.jpg

     

    Malheureusement, des centaines de personnes (peut-être des milliers) font la même chose que nous en même temps, ce qui fait que nous nous retrouvons pare-choc contre pare-choc, au pas, sur la grand-route vers Torsby. Le GPS m’annonce que le prochain carrefour se situe à 9,8 km, et effectivement, nous roulons au pas jusque là et nous perdons presqu’une heure.  Par deux fois, nous trouvons des petits raccourcis qui nous permettent d’avancer de 1,500 m par des routes désertes.

    Forcément, nous arrivons à Torsby à l’heure de la power stage (12h15), et nous décidons d’aller au gîte la regarder à la TV (c’est retransmis sur une chaîne suédoise). Voilà, l’aventure prend fin, nous devons vite ranger nos effets, quitter cette maison accueillante.

    4ruv.jpg

     

    Vers 14h, nous partons vers l’aéroport d’Oslo où je débarque nos deux équipiers. Mon fiston et moi, nous nous tapons un bon repas dans un restaurant de Jessheim où nous avons nos habitudes, et après une courte nuit dans un hôtel du coin, nous prenons lundi matin l’avion de Bruxelles de 6h40, ce qui nous fera encore lever à 4h.

    Je vous le dis, on ne va pas au rallye de Suède pour se reposer. Par contre, on en revient avec des souvenirs plein la tête. Et si comme moi, vous arrivez à écrire le récit de vos aventures par le détail, sa lecture vous ramènera inexorablement dans les bois suédois, vous replongera dans une ambiance bien particulière (avec l’odeur de fumée en prime), vous rappellera les marches dans la neige et sur le verglas : c’est aussi ça le bonheur…

    That’s all, Folks!


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique